Les filiations paternelles


J’ai fait le choix d’aborder les filiations paternelles à partir de la mythologie grecque et de figures de pères dont trois immortels (Ouranos, Cronos et Zeus) du quatrième qui a bénéficié de l’immortalité (Prométhée) et d’un cinquième Deucalion que l’on retrouve dans la genèse sous les traits de Noé.

L'apparition du mythe d'Uranus est en résonance avec le passage du système matriarcal au système patriarcal. Auparavant, la triple déesse gouvernait le monde, nous retrouvons là les mythes orphiques et homériques de création. Dans les mythes olympiens qui historiquement apparaissent plus tard, Ouranos devient le père originel.

Ouranos est une figure de « proto-père » qui va se déployer dans la lignée et dont on retrouvera tous les aspects dans sa descendance.

I. Le père originel : Ouranos

II. Les pères tous puissants Cronos et Zeus

III. La révolte contre le père : Prométhée

IV. Le passage à une nouvelle humanité et à une nouvelle forme de paternité Deucalion Noé

I. Le père originel : Ouranos

La naissance d'Uranus

La Terre Mère (Gaia) surgit du chaos et mit au monde son fils Uranus alors qu'elle dormait. Hésiode nous le raconte ainsi :

"La Terre enfanta un être égal à elle-même capable de la couvrir toute entière, Ciel Étoilé, qui devait offrir aux dieux bienheureux une assise sûre à jamais. Uranus est nommé le Père de la race sacrée des Immortels toujours vivants.

Avant la naissance d'Uranus, la Terre Mère est stérile, elle ne produit rien. Ce premier fils devient son amant et son compagnon. "Du haut des montagnes où il se tient, il la regardait tendrement et il fit descendre une pluie fertile sur ses fentes secrètes et elle donna naissance à l'herbe, aux fleurs, aux arbres et à tous les animaux et à tous les oiseaux qui convenaient à chacun. Cette même pluie fit couler les rivières et remplit d'eau tous les creux et c'est ainsi que les lacs et les mers furent créés".

Uranus Père

"Mais ensuite, des embrasements de ciel, poursuit Hésiode, elle enfanta les Titans et les Titanides, les Cyclopes au coeur violent et à l'âme brutale, les Géants aux cent bras et aux cinquante têtes aussi fortes qu'on ose à peine les nommer".

Ces terribles fils, Uranus les prend en haine dès leur naissance, ainsi au lieu de les laisser monter à la lumière, il les maintient dans le sein de la Terre Mère. Elle souffre de cette situation, elle gémit, étouffe. Elle imagine alors une ruse perfide et cruelle et fait forger par les Telchines à tête de chien une faucille afin de châtrer l'outrage criminel d'un père qui conçut des enfants aussi infâmes.

Ouranos apparaît comme la première manifestation d'un principe masculin différencié dans la mythologie grecque qui a tant marqué l'astrologie occidentale. Son royaume; c'est l'univers sans limites, il règne dans les cieux et se tient dans la montagne. Quand il descend de son univers, c'est pour couvrir la Terre Mère, il procrée mais en toute inconscience seulement la nuit, car il est Ciel Étoilé. Sa progéniture n'est pas reconnue, elle est trop vile pour lui. Il est la représentation d'un principe céleste ou divin qui essaye de s'incarner, mais mécontent, insatisfait de ses œuvres. Il est le père des Immortels, mais il n'accepte pas sa descendance, il la rejette au plus profond et souhaite rester seul avec Gaia, rester le fils amant unique de la Grande Mère, la Terre.

La seule manifestation de tendresse qu'Uranus semble exprimer envers Gaia c'est lorsqu'il se tient à distance sur la montagne :"du haut des montagnes où il se tient, il la regardait tendrement et il fit descendre une pluie fertile...

Uranus est tendre et aimant à distance, en principe, en idée. Il est inconscient et cruel dans la proximité: La Terre Mère gémissait étouffant ....
Nous avons bien l’apparition du principe masculin et paternel qui refuse l'incarnation et ses conséquences. Cette dimension archaïque via Uranus sommeille en chaque homme et plus particulièrement chez ceux dont le Soleil ou Mars sont liés par aspect avec Uranus. Pour les femmes, cette dimension représentera un aspect de leur masculinité intérieure (l'animus) et pourra dans un premier temps être projeté sur des hommes qui auront des difficultés à s’impliquer dans la relation.

Ses œuvres aussi infâmes qu'elles puissent être, révèlent cependant des qualités de puissance et de force, mais sa créativité est violente, brutale, instinctive ou alors elle est mentale, distante, mais surtout non assumée.

La castration d'Uranus

"Le Grand Cronos aux pensées fourbes" c'est ainsi que le décrit Hésiode s'engage auprès de sa mère à accomplir la besogne.

"C'est moi-même, je t'en donne ma foi qui ferait la besogne d'un père abominable, je n'ai point de souci, tout notre père qu'il soit puisqu'il a le premier conçu œuvres infâmes".

La Terre Mère va ainsi aider son fils à la délivrer de l'outrage. Elle le place en embuscade, lui donne la "grande serpe aux dents aiguës". Lorsque son père arrive, par un stratagème mis au point avec sa mère, il saisit la longue serpe, fauche les bourses de son père et les jette ensuite au loin derrière lui. La Terre Mère est éclaboussée de sang et ainsi elle donnera naissance aux puissantes Erinyes, aux grands géants aux armes étincelantes qui tiennent en leurs mains de longues javelines et aux nymphes Méliennes (Les nymphes des frênes).

Les bourses tombèrent dans la mer, furent emportées au large, « une écume blanche sortait du membre divin »
De cette écume, une fille se forma qui après un périple toucha terre à Chypre et s'incarna en tant que belle et vénérée déesse qui faisait autour d'elle, sous ses pieds légers croître le gazon et que les dieux aussi bien que les hommes appelèrent Aphrodite pour être née de l'écume des flots.

Uranus mit en garde ses fils, les Titans à avoir agi ainsi: l'avenir leur dit-il saura en tirer vengeance. Par ses paroles, il enclenche le processus répétitif de la relation de pouvoir et rivalité entre père et fils.
La castration est un retournement de positionnement pour Ouranos. La terre sur laquelle se répandent les gouttes de sang et l'eau où son sexe est jeté apparaissent dans son univers pour la première fois. Auparavant ces éléments, il les regardait de loin en se tenant sur la montagne. L'incarnation se manifeste là dans la souffrance. Ce thème est bien évidemment classique, mais souvent récurent dans la problématique masculine, surtout au moment de l'opposition d'Uranus à lui-même autour de quarante ans lorsque le mythe de l'enfant divin est fortement constellé chez la personne.

Par la castration, Ouranos va se sentir concerné par sa descendance. Elle correspond à un changement de plan : Passer du stade de l'idée à celui de la concrétisation. Ouranos foisonne d'idées et de projets, la souffrance et la difficulté ce sont les limitations et la réalisation. L'idée, le concept de paternité ne lui est pas étranger, mais la réalisation ne lui convient pas, car il a conçu des œuvres infâmes que d'ailleurs la Terre Mère Gaïa et Cronos acceptent comme telles. Ils ne remettent pas en question le décalage entre le projet et sa réalisation, mais obligent Ouranos à accepter ce qui est, lieu de souffrance pour lui.

Ce sont les Titans et à leur tête Cronos qui l'obligent à être également lié à la terre par le sang, et à l'eau par le sperme. Mais il est détrôné et cela il ne le pardonnera pas à ses fils. La lutte pour le pouvoir et la suprématie, est donc inscrite dès ce mythe dans la relation entre le père et le fils et se perpétue jusqu'à nos jours plus ou moins consciemment.

Les Erinyes et Aphrodite.

Du sang libéré sur la Terre Mère (Gaia) naissent les Erinyes (ou les Furies) dont la fonction dans l'Olympe était d'écouter les plaintes des mortels au sujet de l'insolence des jeunes à l'égard des vieux, des enfants vis-à-vis de leurs parents, des hôtes vis-à-vis de leurs invités.
Les Erinyes représentent la souffrance et la douleur de la Terre mais aussi la non- reconnaissance du pouvoir féminin de la Terre porteuse de vie, qui par l'émergence du patriarcat est dominée par la volonté d'Uranus. Ainsi les Erinyes personnalisent et perpétuent le pouvoir de la Terre bafouée et en colère. Même le tout puissant Zeus craindra les Erinyes et s'inclinera devant elles car elles sont vengeresses et sans répit si les mères sont violées.

Aphrodite est la déesse du Désir et de l’Amour et la seule fonction qu'elle remplissait dans l'Olympe était d'aimer, même les travaux manuels lui étaient interdits. Elle est déesse de la Beauté que la plupart des dieux rêvent d'avoir dans leur lit. En tant que fille d'Ouranos, elle représente la partie manquante à ce dernier, le désir, l'amour, la rencontre à l'autre dans la proximité, l'attirance, la reconnaissance de l'attrait que l'autre peut exercer sur soi et l'intégration de cette pulsion. Pour Ouranos, jusqu'à sa castration, il n'y a pas d'autre, la Terre est couverte toute entière.

Par le fait même de la castration naissent des représentations féminines enfermées dans Uranus : les Erinyes et Aphrodite. Elles peuvent personnifier la partie féminine que ce père originel avait trop longtemps négligée: la colère ou la haine (Les Erinyes) et l'amour (Aphrodite). Avec leurs naissances, Ouranos va accéder à une autre dimension, celle de conseiller et visionnaire éclairé; du Puer Aeternus selon Jung, il accèdera au Senex (le Sage). Le principe paternel commence à s’humaniser dès qu’il n’est plus dans la toute-puissance.

Uranus le Visionnaire et Conseiller.

Tout en ayant été détrôné par son fils Cronos Saturne, Uranus l'avait mis en garde, et là je laisse Hésiode poursuivre :

" Car son destin était de succomber un jour sous son propre fils, si puissant qu'il fut lui-même, par le vouloir du grand Zeus. Aussi l'oeil en éveil, montait-il la garde, sans cesse aux aguets, il dévorait tous ses enfants et une douleur sans répit possédait Rhéa."

La répétition se produit, Rhéa est exactement dans la même souffrance que sa mère Gaia.

" Mais vint le jour où elle allait mettre au monde Zeus, père des dieux et des hommes. Elle suppliait alors ses parents, Terre et Ciel Étoilé, de former avec elle un plan qui lui permit d'enfanter son fils en cachette et de faire payer la dette due aux Erinyes de son père et à tous ses enfants dévorés par le grand Cronos aux pensées fourbes. Eux (Terre et Ciel Etoilé) écoutant et exauçant leur fille l'avisèrent de tout ce qu'avait arrêté le destin au sujet du roi Cronos et de son fils au coeur violent ; puis, ils la menèrent à Lyctos au pays de Crète le jour où elle devait enfanter le dernier de ses fils, le grand Zeus."

Ouranos en compagnie de Gaia met en garde Cronos et l'avise du destin, il est donc celui qui sait ce qui va se passer, le voyant. L'aspect visionnaire d'Uranus se révèle ici. En homme sage, il prévient les protagonistes et laisse le destin s'accomplir. Cependant à la suite de la demande de sa fille Rhéa, son attitude va changer. Il l’aide à accoucher. La dimension de sage et de conseiller se retrouvera plus loin dans d’autres représentations paternelles.

II. Les pères tous puissants Cronos et Zeus

La dimension de la toute-puissance du père et son évolution s’établit avec le règne de Cronos et de Zeus.

Le père dévorant Cronos :

Cronos Saturne incarne la deuxième étape, il est le monde de la forme sans vision ni créativité. Tout ce qui peut être créatif est anéanti, dévoré, c'est le monde manifesté sans changement. Il incorpore ses enfants pour éviter à son tour d'être détrôné. Contrairement à Uranus il ne règne pas dans le ciel, il ne conçoit pas l'avenir et est resté un long moment dans le monde souterrain, le Tartare, où il fut relégué par son père. Son seul désir, c'est de se maintenir, garder la maîtrise et le pouvoir sur tout ce qui l'entoure. Cette figure du père est bien présente aujourd’hui par ces pères qui ont du mal à laisser leurs fils s’exprimer et qui dans le cas de succession d’entreprises ne laissent que très peu d’initiatives au fiston et gardent jalousement leurs prérogatives de dirigeant et voient souvent inconsciemment leurs fils comme des rivaux ou des incapables.

Naissance de Zeus ou la démesure prétendument bienveillante du père.

Rhéa va mettre au monde Zeus secrètement la nuit et donne au matin à Cronos une pierre enveloppée de langes. Cronos dévora cette pierre qu’il prit pour un nouveau-né. Sa mère Rhéa le confie aux Curètes qui par leurs cris et leurs chants guerriers évitent que Cronos entende les cris et les éventuels pleurs du nourrisson qui fut élevé par Amalthée.

En reprenant Hésiode dans la Théogonie, nous voyons comment Ouranos toujours lié à Gaia va prévenir Zeus du danger qui l'attend et l'aider à asseoir son pouvoir.
Il prend d'emblée le parti de Zeus et intervient par ses sages conseils pour que ce dernier puisse régner sur l'Olympe.

" Et Zeus, le roi des dieux, pour épouse d'abord prit Prudence (Métis) qui sait plus de choses que tout dieu ou homme mortel. Mais au moment même où elle allait enfanter Athéna, la déesse aux yeux pers, trompant traîtreusement son coeur, par des mots caressants, Zeus l'engloutit dans ses entrailles sur les conseils de Terre et de Ciel Étoilé. Tous deux l'avaient conseillé de la sorte pour que l'honneur royal n'appartînt jamais à autre qu'à Zeus parmi les dieux toujours vivants."

Et en effet Métis aurait du plus tard donner naissance à :

" Un fils au coeur violent qui eut été roi des hommes et des dieux", c'est-à-dire qu'il aurait lui-même détrôné Zeus. Ainsi en agissant de la sorte Uranus perpétue sa lignée et sa descendance, avec Zeus (Jupiter) il n'est plus en rapport de rivalité comme il le fut avec Cronos Saturne. Il transmet sa capacité de vision à son petit-fils et il se répare ainsi de son manque de relation à son propre fils avec qui la relation n'était que haine dès le premier jour.
Nombre de pères absents ou distants dans leur relation à leur fils se réparent dans leur relation à leur petit-fils, non pas en tant que père posant les limites et affirmant leur autorité, mais en tant que vieil homme (senex), sage encourageant de ses conseils et de son expérience.

Zeus est la troisième étape de cette domination patriarcale, il possède les qualités de vision transmises par son grand-père Ouranos et cherche à asseoir sa domination comme son père Cronos. Il est incarné au même titre que ce dernier et a bénéficié de l'aide de ses oncles (les Géants aux Cent Bras), dans son combat avec les Titans pour affermir son pouvoir. Mais il n’est pas facile de se dérober au pouvoir de Zeus

« le fils de Japet lui-même le bienfaisant Prométhée, n’a pas point échappé à son lourd courroux et, malgré tout son savoir, la contrainte d’un lien terrible le tient ».

Théogonie Hésiode v 615

Zeus prolonge la problématique de son père Cronos et de son grand père Ouranos, mais laisse la vie se manifester en dirigeant de manière inflexible, il est le Père c’est ainsi qu’il est nommé dans Prométhée Enchaîné d’Eschyle. La manière dont il est évoqué montre bien le versant tyrannique du père :

« Tyranniquement Zeus commande par des lois récentes, et il abolit les antiques Choses augustes... » « -Je sais que Zeus est dur. Il a soumis toute justice à sa volonté... » « -Ainsi, j'ai servi ce tyran des Dieux. Il m'en a récompensé par ce châtiment horrible. C'est un vice contagieux propre aux tyrans de n'avoir point foi en leurs amis. Si vous demandez pour quelle cause il me traite si outrageusement, je vous le dirai. Dès qu'il fut assis sur le trône paternel, aussitôt il partagea les honneurs aux Daimones et constitua sa tyrannie... »

« -Tu comprendras qu'un monarque sans pitié commande et ne rend compte à personne... »

« - Hermès à Prométhée : Le Père t'ordonne de lui dire quelles sont ces noces que tu proclames, et par lesquelles il perdra sa puissance. Dis-moi nettement ces choses, une par une. Prométhée! Ne me contrains pas de faire deux voyages. Tu sais que Zeus n'en deviendrait pas plus clément... »

III. La révolte contre le père : Prométhée

Prométhée est un cousin de Zeus car il est le fils d’un titan Japet frère de Cronos le père de Zeus.

Selon les auteurs, il est parfois marié à Célaéno ou Clyméné ses enfants sont Deucalion, Lycos et Chimaerée Aetnaeos, Hellen et Thébé. Prométhée aime les hommes et les encourage à s’autonomiser et s’affranchir de la tutelle des dieux et en particulier de Zeus. Laissons Prométhée lui-même par l’intermédiaire d’Eschyle, s’exprimer :

« Apprenez plutôt les maux qui étaient parmi les Vivants, plein d'ignorance autrefois, et que j'ai rendus sages et doués d'intelligence. Non que je ne leur reproche rien, mais, en parlant de ce que je leur ai donné, je prouve mon amour pour eux. Au commencement, ils regardaient en vain et ne voyaient pas; ils écoutaient et n'entendaient pas. Pendant un long espace de temps, semblables aux images des songes, ils confondaient aveuglément toutes choses. Ils ne connaissaient ni les maisons faites de briques et exposées au soleil, ni la charpente. Ils habitaient sous terre au fond des ténébreux réduits des antres, comme les fourmis longues et minces. Ils ne savaient rien, ni de l'hiver ni du printemps fleuri, ni de l'été fructueux. Ils vivaient sans penser, jusqu'au jour où je leur enseignai le lever certain des astres et leur coucher irrégulier. Pour eux je trouvai le Nombre, la plus ingénieuse des choses, et l'arrangement des lettres, et la mémoire mère des Muses. Le premier, j'unis sous le joug les animaux destinés à servir, afin qu'ils pussent remplacer les hommes dans les plus rudes travaux. Je conduisis au char les chevaux porteurs de freins, ornements des riches. Nul que moi ne trouva ces autres chars des navigateurs, fendant la mer, volant avec des voiles. .....

Si quelqu'un, autrefois, tombait malade, il n'y avait aucun remède, aucune nourriture, aucun baume, ni rien qu'il pût boire. Ils mouraient par le manque de remèdes, avant que je leur eusse enseigné les mixtures des médicaments salutaires qui, maintenant, chassent loin d'eux toutes les maladies. J'instituai les nombreux rites de la divination. Le premier, je signalai dans les songes les choses qui devaient arriver, et j'expliquai aux hommes les révélations obscures. J'ai précisé aux voyageurs les hasards des chemins et le sens assuré du vol des oiseaux aux ongles recourbés, ceux qui sont propices, ceux qui sont contraires, le genre de nourriture de chacun, leurs haines, leurs amours et leurs réunions. J'enseignai aussi l'aspect lisse des entrailles et leur couleur qui plaît aux Daimones, et la qualité favorable de la bile et du foie, et les cuisses couvertes de graisse. En brûlant les longs reins, j'ai enseigné aux hommes l'art difficile de prévoir. Je leur ai révélé les présages du Feu, qui, autrefois, étaient obscurs. Telles sont les choses. Et qui peut dire avoir trouvé avant moi toutes les richesses cachées aux hommes sous la terre : l'airain, le fer, l'argent, l'or ? Personne. Je le sais certainement, à moins de vouloir se vanter vainement. Écoute enfin un seul mot qui résume : tous les arts ont été révélés aux Vivants par Prométhée.

Voilà peut être une nouvelle image de père, vous en connaissez beaucoup des pères qui apprennent tout cela à leurs enfants ?

Prométhée permet à son fils Deucalion de sauver sa vie et de repeupler la terre en créant une nouvelle race. Selon certaines versions, Prométhée aurait créé (Pausanias) l’humanité en pétrissant un corps humain avec de la terre et de l’eau. En dérobant le feu aux dieux qui voulait le garder pour eux il est en quelque sorte le créateur de toute civilisation.

Le lien entre le père créateur Prométhée et Iahvé, nous le retrouvons chez Robert Graves dans les mythes Grecs qui met en évidence ce lien en précisant qua dans la version talmudique de la création, l’archange Michel réplique de Prométhée crée Adam de la poussière sur ordre non pas de la mère de tous les vivants mais, d’Iahvé qui lui insuffle ensuite la vie.
Vu sous cet angle Prométhée est vraiment le père de l’humanité, celui qui se révolte contre le père archétypal, il est un père aimant et qui le démontre. Il montre le devenir de l’homme et que nous sommes encore des femmes et des hommes en devenir.

IV. Le passage à une nouvelle humanité et à une nouvelle forme de paternité : Deucalion Noé.

Le défi actuel de la paternité : Deucalion et sa compagne Pyrrha

Deucalion est le fils de Prométhée et de Célaéno.
Zeus, à cause de la méchanceté des hommes et tout spécialement des Arcadiens et de leur roi

Lycaon qui lui avait offert une soupe aux tripes d’un jeune enfant, décida de les détruire en leur envoyant le déluge. Pendant neuf jours et neuf nuits, la terre fut inondée par des torrents de pluie. Seuls Deucalion et sa femme Pyrrha, fille d’Epiméthée et de Pandore échappent au châtiment. Prévenu par son père Prométhée du désastre imminent, Deucalion sur ses conseils, construisit une arche qui l'emporta avec Pyrrha au sommet du mont Parnasse.

Ils se rendirent au sanctuaire de Thémis au bord du Céphise où ils firent des offrandes à Zeus; puis Zeus par l’intermédiaire de Thémis leur conseilla de jeter les os de leur mère par-dessus leurs épaules pour repeupler la terre. Tout d'abord, le couple refusa de commettre un sacrilège en déplaçant les os des morts.

Ayant compris que cela voulait dire les pierres de la terre mère Gaia, car ils n’avaient pas la même mère, ils obéirent, les pierres jetées par Deucalion devenant des hommes, celles jetées par Pyrrha devenant des femmes.
Le thème du déluge permet de faire un lien entre Deucalion et Noé, mais ce n’est pas le seul lien qui lie ces deux personnages. Deucalion signifie le marin du vin nouveau et Noé découvre l’effet grisant du vin en se montrant nu alors qu’il était ivre, il est également présenté comme le premier vigneron et le « second ancêtre de l’humanité après Adam ». Selon Robert Graves dans les Mythes grecs « le mythe de Deucalion...est de la même origine que la légende biblique de Noé... et les Grecs ont supprimé la partie où Deucalion s’attribue l’invention du vin et ont remplacé celui-ci par Dionysos »

Pour résumer le défi actuel de la paternité est par la reconnaissance du lien ancestral et trans-générationnel, reprendre les os pierres de la terre mère Gaïa les jeter par-dessus son épaule et se sentir véritablement associé à sa femme, compagne et mère de ses enfants. Car ensemble, Pyrrha et Deucalion cousins germains par leurs pères vont donner naissance à une nouvelle race d’hommes et de femmes, ensemble dans le respect du masculin et du féminin ancestraux, les pierres jetées par Deucalion devenant des hommes, celles jetées par Pyrrha devenant des femmes...