ÉCRITS

ANALYSES


Du fantôme familial à la créativité dans la vie de C.G.Jung


Tandis que je travaillais à mon arbre généalogique, j’ai compris l’étrange communauté de destin qui me rattache à mes ancêtres. J’ai fortement le sentiment d’être sous influence de choses et de problèmes qui furent laissés incomplets et sans réponses par mes parents, mes grands-parents et mes autres ancêtres. Il semble bien souvent qu’il y a dans une famille un karma impersonnel qui se transmet des parents aux enfants. J’ai toujours pensé que, moi aussi, j’avais à répondre à des questions que le destin avait déjà posées à mes ancêtres mais auxquelles on n’avait encore trouvé aucune réponse, ou bien que je devais terminer ou simplement poursuivre des problèmes que les époques antérieures laissèrent en suspens.

C.G. Jung "Ma Vie" p 271

Si j’ai placé cette phrase de Jung en introduction de mon intervention, c’est pour préciser que je n'axerai pas mon exposé en reprenant sous l'angle astrologique les notions de fantômes et d’anges de Nicolas Abraham, Maria Torok et reprises par Didier Dumas mais je m’arrêterai sur la dernière phrase de Jung « poursuivre des problèmes que les époques antérieures laissèrent en suspens ». Ces problèmes sont de toutes natures et lorsque Jung parle de problèmes, ce peut être des problèmes strictement familiaux que les générations précédentes n’ont pas su ou pu régler et non seulement des non-dits ou des secrets de famille. Pour le psychanalyste jungien britannique Antony Stevens, la plus importante des attentes archétypales concerne la famille. Il s'agit là d'un archétype propre à l'espèce humaine car toutes les sociétés sont organisées en famille. À partir du moment où un homme et une femme acceptent l'engagement réciproque d'élever des enfants, ils forment une famille. La famille a toujours escorté le développement de l'humanité et constitue selon Stevens, le fondement de ce qu'on pourrait appeler la société archétypique. Les attentes que les enfants ont des parents sont ancrées dans des demandes archétypiques. Même si les vertus et le comportement des parents jouent un rôle capital dans notre évolution, n'oublions pas que dans une perspective jungienne l'essentiel résidera dans la succession d'expériences archétypiques que les parents suscitent dans la psyché de l'enfant. Ce n'est pas tant ce que le père et la mère disent qui est le plus important mais la nature des complexes mère et père, normaux ou pathologiques, qu'ils contribuent à constituer. C'est sur la base de ses complexes que se fonderont les développements ultérieurs de la personnalité. "Ces complexes ne se bornent jamais à reproduire par introjection les parents réels comme le ferait un enregistrement vidéo, ils résultent de l'interaction intéressante entre les parents réels tels qu'ils sont et les parents primordiaux qu'abrite l'inconscient collectif." En ce sens, le thème astrologique est un outil très efficace pour nous aider à faire la différence entre les parents réels et les parents archétypiques. Faisons attention, et je parle ici également pour moi à bien faire la différence entre ces notions lorsque nous nous intéressons à l'astro-psycho-généalogie. Nous sommes tous porteurs dans nos familles d'un mythe familial que les différents membres vont essayer d'actualiser de façon personnalisée.

Pour Liz Greene, c'est le mépris d'un principe archétypique, d'un besoin fondamental de la vie, ce que l'on se refuse à honorer et à apprécier à sa juste valeur qui se transmet par l'intermédiaire de la psyché familiale et tant que le problème n'est pas réglé, les conflits et la souffrance que cela entraîne se transmettent à la génération suivante quelque soit l'ambiance familiale. Ces conflits et cette souffrance ne sont pas liés spécifiquement à l’inconscient collectif, ni à l’inconscient personnel, mais à l’inconscient familial, c’est-à-dire l’inconscient de la lignée de nos ancêtres qui se véhicule à travers nous et dont certains aspects ont besoin d’être réalisés par un membre de la famille. Cette dimension de l’inconscient n’est pas à relier à un membre spécifique de la famille mais au clan familial dans son ensemble. Pourrait-on peut-être parler d'un inconscient clanique ? Au même titre que l’inconscient collectif n’est pas seulement le résidu du passé mais également porteur d’un futur, l'inconscient clanique n'est pas seulement l’expression d’un conditionnement; il se transmet par les générations et un membre réalisera à un moment donné ce qui était source de créativité en gestation dans la famille ancestrale. C'est une créativité beaucoup plus familiale que particulière et elle n'est pas spécifiquement liée à un ancêtre en particulier responsable de tous les maux de la famille, car nous risquons là de retomber dans une attitude collective malheureusement trop souvent répandue, celle du bouc émissaire d'autant plus facile si c'est un ancêtre, car il ne pourra pas venir s'en expliquer. Les problèmes sont généralement multifactoriels.

La famille Jung ou la quête d'individuation :

Lorsqu'on regarde de près les thèmes de la famille Jung ou moins ceux qui sont à disposition, une chose remarquable est à noter : les aspects du Soleil à Neptune et Uranus. Le père Paul Achilles : le Soleil fin Sagittaire est demi-carré à Neptune en Verseau 48° mais appliquant, il est également carré à Uranus en Poissons. Avant la naissance de Carl Gustav Jung, il y a déjà trois frères et sœurs décédés La 1° fille morte née le 19 07 1870 Le Soleil en Cancer est carré croissant et séparant à Neptune en Bélier et conjoint à Uranus. La 2° fille morte née le 03 04 1872 Le Soleil est conjonction large à Neptune en Bélier, Uranus est opposé à Saturne et conjoint à la Lune Noire. Le frère aîné Paul né le 18 08 1873 le Soleil et Uranus en Lion, trigone à Neptune fin Bélier conjoint à la Lune Noire. Ce frère ne vécut que cinq jours. Carl Gustav lui-même a un carré partile entre le Soleil en Lion et Neptune en Taureau, Uranus en Lion comme le frère mort et Vénus en Cancer comme son frère également. Sa sœur Johanna Gertrud née le 17 07 1884 a un soleil en Cancer sextile à Neptune en Taureau et Sextile à Uranus en Vierge. En reprenant une phrase de la citation de départ :

"J’ai fortement le sentiment d’être sous influence de choses et de problèmes qui furent laissés incomplets et sans réponses par mes parents, mes grands-parents et mes autres ancêtres."

Je me suis interrogé sur l'incomplétude de la famille Jung et ce que Carl Gustav pour des raisons familiales et personnelles a repris à son compte.

Sa mère et sa fratrie
ou le thème de la dualité sœurs et mère

Avant la naissance de Jung, nous avons donc trois enfants morts, deux filles mortes nées et un frère Paul qui n'a vécu que 5 jours. La fratrie du petit Carl Gustav est mortifère et ceci se retrouve dans son thème par la présence d'une conjonction Lune-Pluton en maison III, selon sa fille astrologue Gret Baumann- Jung.

Une biographie de Bennett indique que deux garçons étaient morts jeunes. Mais dans son livre "Frères et Sœurs" Brian Clark relève qu'aucune biographie n'indique deux filles mortes nées avant lui.

Sa mère fut hospitalisée en 1878, il avait 3 ans à l'époque et dans son autobiographie, il indique une hospitalisation qui dura plusieurs mois et fut la conséquence de sa déception matrimoniale. Elle fut hospitalisée pour dépression nerveuse et ceci pourrait en fait correspondre à une immense tristesse et mélancolie, par suite des décès de ses premiers enfants et, à la trop grande tension nerveuse que lui avaient demandé les premières années d'éducation de son fils.

Il est intéressant de remarquer qu'en 1878, Pluton sera carré au Saturne de Jung toute l'année et Jupiter transitera son ascendant et opposé au Soleil. Cette absence de sa mère activera dans son psychisme, cette image archétypale de la mère Lune-Pluton. Le lien complexe avec sa mère et les femmes en général s'établira dès ce moment-là. Une tante va s'occuper de lui. Cette longue absence maternelle le préoccupa beaucoup. Il écrit dans "Ma Vie" :

"Je fus toujours méfiant dès qu'on prononçait le mot amour. Le sentiment qu'évoquait pour moi le féminin fut longtemps et spontanément qu'on ne pouvait par nature lui faire confiance.... j'ai été méfiant à l'endroit des femmes et je n'ai jamais été déçu par elles...."

L'image archétypale Lune-Pluton s'active également par la rencontre et le lien d'intimité qui se tisse avec la domestique :

"...Pendant l'absence de ma mère, notre servante s'occupait aussi de moi (en plus de la tante). Je sais (avec Lune Pluton en Taureau je sens est plus juste, d'ailleurs sa description est de l'ordre du senti, encore présente dans sa mémoire) encore comme elle me prenait sur son bras et comme je posais ma tête sur son épaule. Elle avait les cheveux noirs et un teint olivâtre, elle était très différente de ma mère ? Je me rappelle la racine de ses cheveux, son cou avec sa peau fortement pigmentée et son oreille. Cela me paraissait étrange et si singulièrement familier. J'avais l'impression qu'elle n'appartenait pas à ma famille mais uniquement à moi et que d'une manière qui m'était incompréhensible, elle se rattachait à des choses mystérieuses que je ne pouvais pas saisir. Le type de cette jeune fille devint plus tard un des aspects de mon anima. À son contact, j'éprouvai le sentiment de quelque chose qui m'était insolite quoique connu depuis toujours..."

Sa mère est évoquée à de nombreux passages ainsi les échanges qu'il put avoir avec elle :

"...Je ne connaissais personne à qui j'eusse pu faire des confidences, sauf éventuellement à ma mère (Lune en III). Sa façon de penser me paraissait semblable à la mienne. Mais bientôt, je m'aperçus que sa conversation ne me suffisait pas. Elle m'admirait et cela n'était pas bon pour moi. Ma mère fut pour moi une très bonne mère, il émanait d'elle une très grande chaleur animale, une ambiance délicieusement confortable, elle était très corpulente. Elle savait écouter tout le monde, elle aimait bavarder... Mais en un tournemain, apparaissait chez elle une personnalité inconsciente d'une puissance insoupçonnée, une grande figure sombre dotée d'une autorité intangible...Elle aussi se composait de deux personnes, l'une était inoffensive et humaine, l'autre au contraire me paraissait redoutable. Celle-ci ne se manifestait que par moments mais toujours à l'improviste et faisait peur.... Le jour, elle était une mère aimante mais la nuit, elle paraissait redoutable... Ma mère me disait, je crois tout ce qu'elle n'avait pas pu confier à mon père et fit de moi, trop tôt le confident de ses multiples soucis..."

La dualité de la relation à la mère est liée certainement à ces 2 sœurs mortes nées avant lui.
Cette position de la Lune et de Pluton est très particulière, car elle est reliée par des carrés à Saturne d'une part et Uranus d'autre part, certes les carrés sont larges et l'opposition Saturne Uranus également mais en calculant le mi-point Saturne Uranus et le mi-point Lune Pluton nous trouvons exactement le même degré à deux minutes près :19°30 et 19°32. Ce qui m'a incité à prendre cette configuration croix en T comme extrêmement importante dans la construction de la personnalité de Jung.

L'angoisse de la mère de perdre encore un autre enfant se transmet dès sa naissance au petit Carl Gustav, mais également le protège. Car sa mère lui avait appris une prière qu'il devait dire chaque soir et il confie qu'il le faisait bien volontiers, car cela lui donnait un certain sentiment de confort en face des insécurités diffuses de la nuit.

Étends tes deux ailes O Jésus ma joie,

Et prends ton poussin en toi.

Si Satan veut l'engloutir Fais chanter les angelots

Cet enfant doit rester indemne.

Cet enfant doit rester indemne est bien l'expression de l'angoisse de la mère de perdre un quatrième enfant après le décès des trois premiers.

Les deux sœurs aînées sont invisibles, elles ne sont pas mentionnées dans les textes importants et elles peuvent être associées à ce féminin mystérieux que l'on retrouva toute sa vie. Elles sont des fantômes structurels sur lesquels il s'est psychologiquement appuyé et que l'on retrouve dans la dualité de son anima comme il l'évoque lui-même. Sa mère et la servante d'abord, les femmes de sa vie ensuite toujours en duo : Emma sa femme et Sabina Spielrein, sa première maîtresse, ensuite Emma et Toni Wolff totalement absente de sa biographie alors qu'ils sont restés ensemble pendant près de quarante ans. Il n'ira pas à son enterrement, brûlera toute leur correspondance, mais fit graver plus tard sur sa tombe : "elle était le parfum de la maison".

Lorsque sa femme mourut deux ans plus tard, il fit écrire sur sa tombe l'épitaphe suivante : "elle fut les fondations de ma maison". Ainsi les deux femmes de sa vie furent les fondations et le parfum de sa maison (Mercure maître de IV conjoint Vénus en VI maître de III les femmes vont par deux comme les deux sœurs disparues). Cette conjonction Mercure et Vénus maître de III peut être une manière de comprendre le thème de la soror mystica qu'il a largement commenté. Dans l'Alchimie, la Soror mystica était la compagne de l'alchimiste qui l'accompagne dans la préparation du Grand Œuvre.

« On pourrait être enclin à penser que le roi et la reine représentent une relation de transfert dans laquelle le roi correspondrait au partenaire masculin et la reine au partenaire féminin. Mais il n’en est rien ; il s’agit au contraire, dans ces figures, de contenus psychiques qui se sont projetés hors de l’inconscient de l’adepte (et de sa soror mystica). En effet, l’adepte étant conscient de lui-même en tant qu’homme, sa masculinité ne peut pas se projeter, car seuls peuvent le faire des contenus inconscients. Comme il s’agit avant tout de l’homme et de la femme, la partie projetée de la personnalité ne peut être que le féminin de l’homme, c’est-à-dire son anima. »

Psychologie du transfert p 79

La relation qu'il eut avec sa sœur Johanna Gertrud est également une résurgence de cette fratrie douloureuse, car la façon dont il en parle et ce qu'elle a représenté dans sa vie laissent un sentiment d'inabouti, d'inachevé ou de quelque histoire encore prise par un fantôme. Arrêtons nous un instant sur la description qu'il fit de cette sœur davantage envisagée à mon sens dans sa problématique archétypale que dans sa réalité propre. La fratrie fut pour lui quelque chose de douloureux qu'il n'a pas cherché à approfondir, portant en ce sens la douleur de sa mère et qu'il a sublimé par le thème de la sœur mystique.

"....Mon père m'amena au chevet de ma mère, elle tenait dans ses bras un petit être extrêmement décevant : un visage rouge ridé comme celui d'un vieil homme, les yeux fermés, vraisemblablement aveugle comme les jeunes chiens. Cette chose avait derrière la tête quelques cheveux d'un blond roux que l'on me fit remarquer est ce que cela allait devenir un singe ?....."

"....Cette soudaine apparition de ma sœur me laissa un vague sentiment de méfiance qui aiguisa ma curiosité et mon observation. Des réactions ultérieures et suspectes de ma mère me confirmèrent dans mes soupçons; quelque chose de regrettable était lié à cette naissance. Par ailleurs, cet évènement ne me préoccupa pas davantage..."

Il ne l'évoque que très rarement dans sa biographie, elle est venue déranger sa position de fils unique (il avait neuf ans à sa naissance) et sa sécurité émotionnelle, il le sous-entend lui-même et le dénie à la phrase suivante. Il la décrit plus loin comme ayant une nature tendre et maladive et très différente de lui, née pour vivre en vieille fille. Elle ne s'est jamais mariée, vécut une partie de sa vie avec sa mère et mourra à 50 ans. Il la décrit comme une "lady" qui développa une remarquable personnalité et admira son comportement, mais elle resta pour lui une étrangère dont il respectait la dignité et, à mon sens, craignait :

"J'étais beaucoup plus émotif qu'elle qui, au contraire, était toujours calme, bien qu'extrêmement sensible dans son être profond..."

Lorsqu'on compare les thèmes du frère et de la sœur, il est à remarquer que les Lunes sont au plus à 6° d'écart en Taureau et que les Vénus sont conjointes. Les deux symboles astrologiques de la féminité sont semblables et reliés par sextile. Ces deux planètes sont associées à la fratrie dans le thème de Jung puisque la Lune est en III et Vénus maître de la III.

Alors pourquoi cette sœur est si étrangère et si peu évoquée ? La naissance de cette sœur a pu activer également un sentiment de rivalité, de limitation et l'obliger à développer un certain sens des responsabilités, il devenait le fils aîné, elle déstabilisa la place unique et particulière qu'il occupait dans la famille. Saturne dans le thème de sa sœur est opposé à Mars dans le thème de Jung. Mars dans le thème de la sœur est carré à Mars dans le thème de Jung. Pluton transit (ou de la sœur) est sur le F.C du thème de Jung. Cet archétype d'un féminin sororal et maternel obscur et dangereux s'est déplacé de la mère vers la sœur. Il a recherché dans les rencontres avec les femmes de sa vie à réparer ce lien douloureux aux sœurs et à la mère. La notion de sœur et même de sœur aînée est abordée par ailleurs lors d'un voyage qu'il fit en Afrique, à propos d'un homme fils d'un chef de tribu qui souhaitait lui faire rencontrer sa sœur:

...." Madame était chez elle (en français dans le texte - sa sœur est la Lady en anglais dans le texte), à notre arrivée, elle sortit de sa hutte et me salua de la manière la plus naturelle du monde... j'avais l'impression que l'assurance et le sentiment de valeur personnelle qu'on lisait dans son comportement reposaient dans une très large mesure, sur une identité avec sa totalité qui était manifeste composée de son monde à elle fait d'enfants, de sa maison, de son petit bétail et de son physique qui ne manquait pas d'attrait..."

Je ne peux m'empêcher par cette description, de faire un parallèle avec ce qu'il dit de sa propre sœur. Jung utilise d'autres formules, mais ce qui domine c'est le respect, la valorisation de la dignité et la crainte. Mais dans cette description, il évoque l'attrait physique que cette femme pouvait exercer sur lui. En ce qui concerne sa sœur, c'est seulement à la naissance qu'il donne des détails physiques qui ne sont pas flatteurs.
Nous retrouvons bien l'image archétypale de cette conjonction Lune Pluton en III. Cette image archétypale Lune Pluton reliée à l'opposition Saturne Uranus est également une configuration qui, dans la vie de Jung, a permis de développer à partir de son histoire familiale le thème de l'individuation, en se basant sur la notion d'anima qu'il découvrit par la confrontation avec son inconscient et qui se manifesta d'abord par la voix d'une de ses patientes psychopathes :

"...Je fus d'abord extraordinairement intéressé par le fait qu'une femme qui provenait de mon intérieur se mêlât à mes pensées. Réfléchissant à cela, je me dis qu'il s'agissait probablement de l'âme dans le sens primitif du terme, et je me demandai pourquoi l'âme avait été désignée du nom d'anima. Pourquoi se la représente-t-on comme étant féminine ?
Plus tard je compris qu'il s'agissait... d'une personnification typique ou archétypique dans l'inconscient de l'homme, et je la désignai du terme d'anima...Ce fut tout d'abord l'aspect négatif de l'anima qui m'impressionnait. J'éprouvai à son égard appréhension, timidité déférente comme à l'adresse d'une présence invisible...."

Cela renvoie à la description qu'il fait de la relation à sa mère et à sa sœur.
Cette croix en T se libère en IX en Scorpion par cette créativité psychologique qui fut la sienne, à partir d'une fratrie douloureuse. La conceptualisation psychologique de ce complexe de base lui a permis d'apporter une vision particulière dans la psychologie des profondeurs élaborée au départ par Sigmund Freud. Il est à ce propos intéressant de remarquer que le Soleil dans le thème de Freud se trouvait être sur la Lune dans le thème de Jung.
L'approche psychologique de Jung a surtout du moins au départ attiré des femmes qui furent ses premières disciples telles Aniéla Jaffé, Marie Louise Von Franz, Yolande Jacobi, Barbarah Hannah, sa propre femme, Toni Wolff et d'autres.

Bibliographie

Frères et sœurs, un lien fondamental Brian Clark ed Sand Ma Vie, C.G Jung collection Témoins ed Gallimard Jung l'œuvre vie, Anthony Stevens ed du Félin

 



Les filiations paternelles


J’ai fait le choix d’aborder les filiations paternelles à partir de la mythologie grecque et de figures de pères dont trois immortels (Ouranos, Cronos et Zeus) du quatrième qui a bénéficié de l’immortalité (Prométhée) et d’un cinquième Deucalion que l’on retrouve dans la genèse sous les traits de Noé.

L'apparition du mythe d'Uranus est en résonance avec le passage du système matriarcal au système patriarcal. Auparavant, la triple déesse gouvernait le monde, nous retrouvons là les mythes orphiques et homériques de création. Dans les mythes olympiens qui historiquement apparaissent plus tard, Ouranos devient le père originel.

Ouranos est une figure de « proto-père » qui va se déployer dans la lignée et dont on retrouvera tous les aspects dans sa descendance.

I. Le père originel : Ouranos

II. Les pères tous puissants Cronos et Zeus

III. La révolte contre le père : Prométhée

IV. Le passage à une nouvelle humanité et à une nouvelle forme de paternité Deucalion Noé

I. Le père originel : Ouranos

La naissance d'Uranus

La Terre Mère (Gaia) surgit du chaos et mit au monde son fils Uranus alors qu'elle dormait. Hésiode nous le raconte ainsi :

"La Terre enfanta un être égal à elle-même capable de la couvrir toute entière, Ciel Étoilé, qui devait offrir aux dieux bienheureux une assise sûre à jamais. Uranus est nommé le Père de la race sacrée des Immortels toujours vivants.

Avant la naissance d'Uranus, la Terre Mère est stérile, elle ne produit rien. Ce premier fils devient son amant et son compagnon. "Du haut des montagnes où il se tient, il la regardait tendrement et il fit descendre une pluie fertile sur ses fentes secrètes et elle donna naissance à l'herbe, aux fleurs, aux arbres et à tous les animaux et à tous les oiseaux qui convenaient à chacun. Cette même pluie fit couler les rivières et remplit d'eau tous les creux et c'est ainsi que les lacs et les mers furent créés".

Uranus Père

"Mais ensuite, des embrasements de ciel, poursuit Hésiode, elle enfanta les Titans et les Titanides, les Cyclopes au coeur violent et à l'âme brutale, les Géants aux cent bras et aux cinquante têtes aussi fortes qu'on ose à peine les nommer".

Ces terribles fils, Uranus les prend en haine dès leur naissance, ainsi au lieu de les laisser monter à la lumière, il les maintient dans le sein de la Terre Mère. Elle souffre de cette situation, elle gémit, étouffe. Elle imagine alors une ruse perfide et cruelle et fait forger par les Telchines à tête de chien une faucille afin de châtrer l'outrage criminel d'un père qui conçut des enfants aussi infâmes.

Ouranos apparaît comme la première manifestation d'un principe masculin différencié dans la mythologie grecque qui a tant marqué l'astrologie occidentale. Son royaume; c'est l'univers sans limites, il règne dans les cieux et se tient dans la montagne. Quand il descend de son univers, c'est pour couvrir la Terre Mère, il procrée mais en toute inconscience seulement la nuit, car il est Ciel Étoilé. Sa progéniture n'est pas reconnue, elle est trop vile pour lui. Il est la représentation d'un principe céleste ou divin qui essaye de s'incarner, mais mécontent, insatisfait de ses œuvres. Il est le père des Immortels, mais il n'accepte pas sa descendance, il la rejette au plus profond et souhaite rester seul avec Gaia, rester le fils amant unique de la Grande Mère, la Terre.

La seule manifestation de tendresse qu'Uranus semble exprimer envers Gaia c'est lorsqu'il se tient à distance sur la montagne :"du haut des montagnes où il se tient, il la regardait tendrement et il fit descendre une pluie fertile...

Uranus est tendre et aimant à distance, en principe, en idée. Il est inconscient et cruel dans la proximité: La Terre Mère gémissait étouffant ....
Nous avons bien l’apparition du principe masculin et paternel qui refuse l'incarnation et ses conséquences. Cette dimension archaïque via Uranus sommeille en chaque homme et plus particulièrement chez ceux dont le Soleil ou Mars sont liés par aspect avec Uranus. Pour les femmes, cette dimension représentera un aspect de leur masculinité intérieure (l'animus) et pourra dans un premier temps être projeté sur des hommes qui auront des difficultés à s’impliquer dans la relation.

Ses œuvres aussi infâmes qu'elles puissent être, révèlent cependant des qualités de puissance et de force, mais sa créativité est violente, brutale, instinctive ou alors elle est mentale, distante, mais surtout non assumée.

La castration d'Uranus

"Le Grand Cronos aux pensées fourbes" c'est ainsi que le décrit Hésiode s'engage auprès de sa mère à accomplir la besogne.

"C'est moi-même, je t'en donne ma foi qui ferait la besogne d'un père abominable, je n'ai point de souci, tout notre père qu'il soit puisqu'il a le premier conçu œuvres infâmes".

La Terre Mère va ainsi aider son fils à la délivrer de l'outrage. Elle le place en embuscade, lui donne la "grande serpe aux dents aiguës". Lorsque son père arrive, par un stratagème mis au point avec sa mère, il saisit la longue serpe, fauche les bourses de son père et les jette ensuite au loin derrière lui. La Terre Mère est éclaboussée de sang et ainsi elle donnera naissance aux puissantes Erinyes, aux grands géants aux armes étincelantes qui tiennent en leurs mains de longues javelines et aux nymphes Méliennes (Les nymphes des frênes).

Les bourses tombèrent dans la mer, furent emportées au large, « une écume blanche sortait du membre divin »
De cette écume, une fille se forma qui après un périple toucha terre à Chypre et s'incarna en tant que belle et vénérée déesse qui faisait autour d'elle, sous ses pieds légers croître le gazon et que les dieux aussi bien que les hommes appelèrent Aphrodite pour être née de l'écume des flots.

Uranus mit en garde ses fils, les Titans à avoir agi ainsi: l'avenir leur dit-il saura en tirer vengeance. Par ses paroles, il enclenche le processus répétitif de la relation de pouvoir et rivalité entre père et fils.
La castration est un retournement de positionnement pour Ouranos. La terre sur laquelle se répandent les gouttes de sang et l'eau où son sexe est jeté apparaissent dans son univers pour la première fois. Auparavant ces éléments, il les regardait de loin en se tenant sur la montagne. L'incarnation se manifeste là dans la souffrance. Ce thème est bien évidemment classique, mais souvent récurent dans la problématique masculine, surtout au moment de l'opposition d'Uranus à lui-même autour de quarante ans lorsque le mythe de l'enfant divin est fortement constellé chez la personne.

Par la castration, Ouranos va se sentir concerné par sa descendance. Elle correspond à un changement de plan : Passer du stade de l'idée à celui de la concrétisation. Ouranos foisonne d'idées et de projets, la souffrance et la difficulté ce sont les limitations et la réalisation. L'idée, le concept de paternité ne lui est pas étranger, mais la réalisation ne lui convient pas, car il a conçu des œuvres infâmes que d'ailleurs la Terre Mère Gaïa et Cronos acceptent comme telles. Ils ne remettent pas en question le décalage entre le projet et sa réalisation, mais obligent Ouranos à accepter ce qui est, lieu de souffrance pour lui.

Ce sont les Titans et à leur tête Cronos qui l'obligent à être également lié à la terre par le sang, et à l'eau par le sperme. Mais il est détrôné et cela il ne le pardonnera pas à ses fils. La lutte pour le pouvoir et la suprématie, est donc inscrite dès ce mythe dans la relation entre le père et le fils et se perpétue jusqu'à nos jours plus ou moins consciemment.

Les Erinyes et Aphrodite.

Du sang libéré sur la Terre Mère (Gaia) naissent les Erinyes (ou les Furies) dont la fonction dans l'Olympe était d'écouter les plaintes des mortels au sujet de l'insolence des jeunes à l'égard des vieux, des enfants vis-à-vis de leurs parents, des hôtes vis-à-vis de leurs invités.
Les Erinyes représentent la souffrance et la douleur de la Terre mais aussi la non- reconnaissance du pouvoir féminin de la Terre porteuse de vie, qui par l'émergence du patriarcat est dominée par la volonté d'Uranus. Ainsi les Erinyes personnalisent et perpétuent le pouvoir de la Terre bafouée et en colère. Même le tout puissant Zeus craindra les Erinyes et s'inclinera devant elles car elles sont vengeresses et sans répit si les mères sont violées.

Aphrodite est la déesse du Désir et de l’Amour et la seule fonction qu'elle remplissait dans l'Olympe était d'aimer, même les travaux manuels lui étaient interdits. Elle est déesse de la Beauté que la plupart des dieux rêvent d'avoir dans leur lit. En tant que fille d'Ouranos, elle représente la partie manquante à ce dernier, le désir, l'amour, la rencontre à l'autre dans la proximité, l'attirance, la reconnaissance de l'attrait que l'autre peut exercer sur soi et l'intégration de cette pulsion. Pour Ouranos, jusqu'à sa castration, il n'y a pas d'autre, la Terre est couverte toute entière.

Par le fait même de la castration naissent des représentations féminines enfermées dans Uranus : les Erinyes et Aphrodite. Elles peuvent personnifier la partie féminine que ce père originel avait trop longtemps négligée: la colère ou la haine (Les Erinyes) et l'amour (Aphrodite). Avec leurs naissances, Ouranos va accéder à une autre dimension, celle de conseiller et visionnaire éclairé; du Puer Aeternus selon Jung, il accèdera au Senex (le Sage). Le principe paternel commence à s’humaniser dès qu’il n’est plus dans la toute-puissance.

Uranus le Visionnaire et Conseiller.

Tout en ayant été détrôné par son fils Cronos Saturne, Uranus l'avait mis en garde, et là je laisse Hésiode poursuivre :

" Car son destin était de succomber un jour sous son propre fils, si puissant qu'il fut lui-même, par le vouloir du grand Zeus. Aussi l'oeil en éveil, montait-il la garde, sans cesse aux aguets, il dévorait tous ses enfants et une douleur sans répit possédait Rhéa."

La répétition se produit, Rhéa est exactement dans la même souffrance que sa mère Gaia.

" Mais vint le jour où elle allait mettre au monde Zeus, père des dieux et des hommes. Elle suppliait alors ses parents, Terre et Ciel Étoilé, de former avec elle un plan qui lui permit d'enfanter son fils en cachette et de faire payer la dette due aux Erinyes de son père et à tous ses enfants dévorés par le grand Cronos aux pensées fourbes. Eux (Terre et Ciel Etoilé) écoutant et exauçant leur fille l'avisèrent de tout ce qu'avait arrêté le destin au sujet du roi Cronos et de son fils au coeur violent ; puis, ils la menèrent à Lyctos au pays de Crète le jour où elle devait enfanter le dernier de ses fils, le grand Zeus."

Ouranos en compagnie de Gaia met en garde Cronos et l'avise du destin, il est donc celui qui sait ce qui va se passer, le voyant. L'aspect visionnaire d'Uranus se révèle ici. En homme sage, il prévient les protagonistes et laisse le destin s'accomplir. Cependant à la suite de la demande de sa fille Rhéa, son attitude va changer. Il l’aide à accoucher. La dimension de sage et de conseiller se retrouvera plus loin dans d’autres représentations paternelles.

II. Les pères tous puissants Cronos et Zeus

La dimension de la toute-puissance du père et son évolution s’établit avec le règne de Cronos et de Zeus.

Le père dévorant Cronos :

Cronos Saturne incarne la deuxième étape, il est le monde de la forme sans vision ni créativité. Tout ce qui peut être créatif est anéanti, dévoré, c'est le monde manifesté sans changement. Il incorpore ses enfants pour éviter à son tour d'être détrôné. Contrairement à Uranus il ne règne pas dans le ciel, il ne conçoit pas l'avenir et est resté un long moment dans le monde souterrain, le Tartare, où il fut relégué par son père. Son seul désir, c'est de se maintenir, garder la maîtrise et le pouvoir sur tout ce qui l'entoure. Cette figure du père est bien présente aujourd’hui par ces pères qui ont du mal à laisser leurs fils s’exprimer et qui dans le cas de succession d’entreprises ne laissent que très peu d’initiatives au fiston et gardent jalousement leurs prérogatives de dirigeant et voient souvent inconsciemment leurs fils comme des rivaux ou des incapables.

Naissance de Zeus ou la démesure prétendument bienveillante du père.

Rhéa va mettre au monde Zeus secrètement la nuit et donne au matin à Cronos une pierre enveloppée de langes. Cronos dévora cette pierre qu’il prit pour un nouveau-né. Sa mère Rhéa le confie aux Curètes qui par leurs cris et leurs chants guerriers évitent que Cronos entende les cris et les éventuels pleurs du nourrisson qui fut élevé par Amalthée.

En reprenant Hésiode dans la Théogonie, nous voyons comment Ouranos toujours lié à Gaia va prévenir Zeus du danger qui l'attend et l'aider à asseoir son pouvoir.
Il prend d'emblée le parti de Zeus et intervient par ses sages conseils pour que ce dernier puisse régner sur l'Olympe.

" Et Zeus, le roi des dieux, pour épouse d'abord prit Prudence (Métis) qui sait plus de choses que tout dieu ou homme mortel. Mais au moment même où elle allait enfanter Athéna, la déesse aux yeux pers, trompant traîtreusement son coeur, par des mots caressants, Zeus l'engloutit dans ses entrailles sur les conseils de Terre et de Ciel Étoilé. Tous deux l'avaient conseillé de la sorte pour que l'honneur royal n'appartînt jamais à autre qu'à Zeus parmi les dieux toujours vivants."

Et en effet Métis aurait du plus tard donner naissance à :

" Un fils au coeur violent qui eut été roi des hommes et des dieux", c'est-à-dire qu'il aurait lui-même détrôné Zeus. Ainsi en agissant de la sorte Uranus perpétue sa lignée et sa descendance, avec Zeus (Jupiter) il n'est plus en rapport de rivalité comme il le fut avec Cronos Saturne. Il transmet sa capacité de vision à son petit-fils et il se répare ainsi de son manque de relation à son propre fils avec qui la relation n'était que haine dès le premier jour.
Nombre de pères absents ou distants dans leur relation à leur fils se réparent dans leur relation à leur petit-fils, non pas en tant que père posant les limites et affirmant leur autorité, mais en tant que vieil homme (senex), sage encourageant de ses conseils et de son expérience.

Zeus est la troisième étape de cette domination patriarcale, il possède les qualités de vision transmises par son grand-père Ouranos et cherche à asseoir sa domination comme son père Cronos. Il est incarné au même titre que ce dernier et a bénéficié de l'aide de ses oncles (les Géants aux Cent Bras), dans son combat avec les Titans pour affermir son pouvoir. Mais il n’est pas facile de se dérober au pouvoir de Zeus

« le fils de Japet lui-même le bienfaisant Prométhée, n’a pas point échappé à son lourd courroux et, malgré tout son savoir, la contrainte d’un lien terrible le tient ».

Théogonie Hésiode v 615

Zeus prolonge la problématique de son père Cronos et de son grand père Ouranos, mais laisse la vie se manifester en dirigeant de manière inflexible, il est le Père c’est ainsi qu’il est nommé dans Prométhée Enchaîné d’Eschyle. La manière dont il est évoqué montre bien le versant tyrannique du père :

« Tyranniquement Zeus commande par des lois récentes, et il abolit les antiques Choses augustes... » « -Je sais que Zeus est dur. Il a soumis toute justice à sa volonté... » « -Ainsi, j'ai servi ce tyran des Dieux. Il m'en a récompensé par ce châtiment horrible. C'est un vice contagieux propre aux tyrans de n'avoir point foi en leurs amis. Si vous demandez pour quelle cause il me traite si outrageusement, je vous le dirai. Dès qu'il fut assis sur le trône paternel, aussitôt il partagea les honneurs aux Daimones et constitua sa tyrannie... »

« -Tu comprendras qu'un monarque sans pitié commande et ne rend compte à personne... »

« - Hermès à Prométhée : Le Père t'ordonne de lui dire quelles sont ces noces que tu proclames, et par lesquelles il perdra sa puissance. Dis-moi nettement ces choses, une par une. Prométhée! Ne me contrains pas de faire deux voyages. Tu sais que Zeus n'en deviendrait pas plus clément... »

III. La révolte contre le père : Prométhée

Prométhée est un cousin de Zeus car il est le fils d’un titan Japet frère de Cronos le père de Zeus.

Selon les auteurs, il est parfois marié à Célaéno ou Clyméné ses enfants sont Deucalion, Lycos et Chimaerée Aetnaeos, Hellen et Thébé. Prométhée aime les hommes et les encourage à s’autonomiser et s’affranchir de la tutelle des dieux et en particulier de Zeus. Laissons Prométhée lui-même par l’intermédiaire d’Eschyle, s’exprimer :

« Apprenez plutôt les maux qui étaient parmi les Vivants, plein d'ignorance autrefois, et que j'ai rendus sages et doués d'intelligence. Non que je ne leur reproche rien, mais, en parlant de ce que je leur ai donné, je prouve mon amour pour eux. Au commencement, ils regardaient en vain et ne voyaient pas; ils écoutaient et n'entendaient pas. Pendant un long espace de temps, semblables aux images des songes, ils confondaient aveuglément toutes choses. Ils ne connaissaient ni les maisons faites de briques et exposées au soleil, ni la charpente. Ils habitaient sous terre au fond des ténébreux réduits des antres, comme les fourmis longues et minces. Ils ne savaient rien, ni de l'hiver ni du printemps fleuri, ni de l'été fructueux. Ils vivaient sans penser, jusqu'au jour où je leur enseignai le lever certain des astres et leur coucher irrégulier. Pour eux je trouvai le Nombre, la plus ingénieuse des choses, et l'arrangement des lettres, et la mémoire mère des Muses. Le premier, j'unis sous le joug les animaux destinés à servir, afin qu'ils pussent remplacer les hommes dans les plus rudes travaux. Je conduisis au char les chevaux porteurs de freins, ornements des riches. Nul que moi ne trouva ces autres chars des navigateurs, fendant la mer, volant avec des voiles. .....

Si quelqu'un, autrefois, tombait malade, il n'y avait aucun remède, aucune nourriture, aucun baume, ni rien qu'il pût boire. Ils mouraient par le manque de remèdes, avant que je leur eusse enseigné les mixtures des médicaments salutaires qui, maintenant, chassent loin d'eux toutes les maladies. J'instituai les nombreux rites de la divination. Le premier, je signalai dans les songes les choses qui devaient arriver, et j'expliquai aux hommes les révélations obscures. J'ai précisé aux voyageurs les hasards des chemins et le sens assuré du vol des oiseaux aux ongles recourbés, ceux qui sont propices, ceux qui sont contraires, le genre de nourriture de chacun, leurs haines, leurs amours et leurs réunions. J'enseignai aussi l'aspect lisse des entrailles et leur couleur qui plaît aux Daimones, et la qualité favorable de la bile et du foie, et les cuisses couvertes de graisse. En brûlant les longs reins, j'ai enseigné aux hommes l'art difficile de prévoir. Je leur ai révélé les présages du Feu, qui, autrefois, étaient obscurs. Telles sont les choses. Et qui peut dire avoir trouvé avant moi toutes les richesses cachées aux hommes sous la terre : l'airain, le fer, l'argent, l'or ? Personne. Je le sais certainement, à moins de vouloir se vanter vainement. Écoute enfin un seul mot qui résume : tous les arts ont été révélés aux Vivants par Prométhée.

Voilà peut être une nouvelle image de père, vous en connaissez beaucoup des pères qui apprennent tout cela à leurs enfants ?

Prométhée permet à son fils Deucalion de sauver sa vie et de repeupler la terre en créant une nouvelle race. Selon certaines versions, Prométhée aurait créé (Pausanias) l’humanité en pétrissant un corps humain avec de la terre et de l’eau. En dérobant le feu aux dieux qui voulait le garder pour eux il est en quelque sorte le créateur de toute civilisation.

Le lien entre le père créateur Prométhée et Iahvé, nous le retrouvons chez Robert Graves dans les mythes Grecs qui met en évidence ce lien en précisant qua dans la version talmudique de la création, l’archange Michel réplique de Prométhée crée Adam de la poussière sur ordre non pas de la mère de tous les vivants mais, d’Iahvé qui lui insuffle ensuite la vie.
Vu sous cet angle Prométhée est vraiment le père de l’humanité, celui qui se révolte contre le père archétypal, il est un père aimant et qui le démontre. Il montre le devenir de l’homme et que nous sommes encore des femmes et des hommes en devenir.

IV. Le passage à une nouvelle humanité et à une nouvelle forme de paternité : Deucalion Noé.

Le défi actuel de la paternité : Deucalion et sa compagne Pyrrha

Deucalion est le fils de Prométhée et de Célaéno.
Zeus, à cause de la méchanceté des hommes et tout spécialement des Arcadiens et de leur roi

Lycaon qui lui avait offert une soupe aux tripes d’un jeune enfant, décida de les détruire en leur envoyant le déluge. Pendant neuf jours et neuf nuits, la terre fut inondée par des torrents de pluie. Seuls Deucalion et sa femme Pyrrha, fille d’Epiméthée et de Pandore échappent au châtiment. Prévenu par son père Prométhée du désastre imminent, Deucalion sur ses conseils, construisit une arche qui l'emporta avec Pyrrha au sommet du mont Parnasse.

Ils se rendirent au sanctuaire de Thémis au bord du Céphise où ils firent des offrandes à Zeus; puis Zeus par l’intermédiaire de Thémis leur conseilla de jeter les os de leur mère par-dessus leurs épaules pour repeupler la terre. Tout d'abord, le couple refusa de commettre un sacrilège en déplaçant les os des morts.

Ayant compris que cela voulait dire les pierres de la terre mère Gaia, car ils n’avaient pas la même mère, ils obéirent, les pierres jetées par Deucalion devenant des hommes, celles jetées par Pyrrha devenant des femmes.
Le thème du déluge permet de faire un lien entre Deucalion et Noé, mais ce n’est pas le seul lien qui lie ces deux personnages. Deucalion signifie le marin du vin nouveau et Noé découvre l’effet grisant du vin en se montrant nu alors qu’il était ivre, il est également présenté comme le premier vigneron et le « second ancêtre de l’humanité après Adam ». Selon Robert Graves dans les Mythes grecs « le mythe de Deucalion...est de la même origine que la légende biblique de Noé... et les Grecs ont supprimé la partie où Deucalion s’attribue l’invention du vin et ont remplacé celui-ci par Dionysos »

Pour résumer le défi actuel de la paternité est par la reconnaissance du lien ancestral et trans-générationnel, reprendre les os pierres de la terre mère Gaïa les jeter par-dessus son épaule et se sentir véritablement associé à sa femme, compagne et mère de ses enfants. Car ensemble, Pyrrha et Deucalion cousins germains par leurs pères vont donner naissance à une nouvelle race d’hommes et de femmes, ensemble dans le respect du masculin et du féminin ancestraux, les pierres jetées par Deucalion devenant des hommes, celles jetées par Pyrrha devenant des femmes...

 



L’évocation des dieux est-elle thérapeutique ?


VOCATUS AT QUE NON VOCATUS DEUS ADERIT

Inscription gravée dans la pierre au-dessus de la porte d’entrée de la maison de C. G. Jung à Kusnacht
Appelé ou non appelé Dieu sera présent.

Cette maxime fut prononcée par l’oracle de Delphes lorsque les Lacédémoniens voulurent partir en guerre contre les Athéniens.

Peut-on dire qu’évoquer les dieux dans une consultation astrologique est un acte thérapeutique. Je répondrai oui et non et ainsi avec des planètes en Balance dans mon thème, je me ne serai pas impliqué et j’aurais contenté tout le monde. Plus sérieusement, je serai tenté de dire que certains cas, c’est thérapeutique et dans d’autres cas, cela ne l’est pas. C’est cette réflexion sur ma pratique que je vais essayer de vous faire partager en mettant l’accent sur l’utilisation que nous faisons du symbolisme astrologique car nous utilisons tour à tour les signes et les symboles sans toujours bien faire la différence entre les deux.

L’origine étymologique d’évoquer vient du latin vocare appeler (voix : vox vocis), c’est-à-dire appeler à soi, faire apparaître par des procédés magiques. Ce terme ne s’emploie dans le sens qu ‘en parlant des âmes, des esprits, évoquer les âmes des morts. Rappeler une chose oubliée, rappeler un souvenir.

Les évocations des dieux, des démons et des âmes des morts se retrouvent au nombre des pratiques de tous les peuples anciens. Ulysse y a recours dans l’Odyssée mais outre ces évocations qui appartiennent aux pratiques religieuses, les Romains donnaient encore le nom d’évocation à une formule de prière adressée aux divinités tutélaires des villes qu’ils assiégeaient pour les engager à abandonner leurs anciens protégés et passer du côté de Rome. Cette prière devait être prononcée par le général qui commandait l’armée assiégeante pendant un sacrifice et lorsque les auspices étaient favorables.

L’évocation n’est pas à confondre avec son paronyme invoquer.
Invoquer du latin invocare signifie en appeler à – appeler à son secours, à son aide.. Invoquer le nom de Dieu.

L’approche astrologique fait appel à des planètes dont les noms suggèrent des divinités gréco-latines. Que représentent ces divinités dans notre culture monothéiste? Sont-elles encore vivantes comme elles pouvaient l’être pour les généraux romains avant le combat? Et que faisons-nous lorsque nous les nommons, les évoquons?

Signes et symboles

Le signe

Les données astrologiques peuvent être envisagées et abordées sous l'angle de signes ou sous l'angle de symboles. La démarche de l’astrologue et de son consultant sont différentes selon qu’elles se situent dans l’univers du signe ou celui du symbole. Il est sûr que lorsque l'on interprète les données astrologiques sous l'angle de signes, ces derniers sont comme des poteaux indicateurs qui ne signifient qu'une chose et une seule à laquelle l'individu doit s'adapter car, c'est inscrit dans le ciel, c'est inscrit dehors.

Le signe est selon Jung, « un phénomène perçu qui manifeste un phénomène non perçu, la fumée que l’on voit étant un signe du feu que l’on ne voit pas. » Lorsque nous utilisons les signes en astrologie la démarche est orientée vers le conseil et quelquefois ressenti par le consultant comme une injonction des dieux planétaires en transit, est-ce une approche thérapeutique ? j’en doute.

Cette approche est beaucoup utilisée dans la dimension divinatoire de l’astrologie à savoir l’astrologie horaire, cette dimension n’a rien de particulièrement thérapeutique.
La confrontation à la réalité extérieure et l'aide que l'astrologie peut apporter à ce niveau-là est trop souvent ramenée à décrire un faisceau prédictif d'évènements possibles, donc de faire de l'astrologie un outil d'anticipation sur le futur.

Il n’y a pas de fumée sans feu.

Baliser, limiter, comprimer ce futur autour de faits et évènements appréhendables ou rassurants devient des défis ou challenges que les astrologues relèvent par désir de pouvoirs magiques ou autres. Si cette seule approche de l'astrologie fonctionnait, cela se saurait depuis longtemps.

L'aptitude à affronter des mutations sur le plan du signe, c'est à mon sens s'adapter à la société changeante extérieurement afin de continuer à développer un sentiment de sécurité dans un univers en mutation. L'astrologie dans cette optique est un outil efficace pour se rassurer face au monde effrayant que l'on ne peut ni maîtriser ni changer. Elle joue un rôle de substitut maternel et donne des réponses opératives, un mode d'emploi face à la réalité extérieure, les signes ou poteaux indicateurs balisent la route et sécurisent le voyageur ou le pèlerin.

Est-elle thérapeutique dans le sens de soigner ? Certes, mais elle soigne le symptôme, rassure une personne inquiète, la protège parfois des grands tourments de la vie, mais ne lui permet pas forcément de se mettre en relation avec sa propre dimension psychologique et le plan de l’âme.

Le symbole

Si l'interprétation des données astrologiques se fait sous l'angle des symboles, la démarche est totalement différente. La signification des symboles n'est pas univoque mais polymorphe. Les symboles ont besoin d’êtres ressentis, éprouvés, différenciés, digérés et assimilés pour être compris et significatifs.

Pour René Alleau (la science des symboles) :

« Un symbole ne signifie pas, il évoque et focalise, assemble et concentre, de façon analogiquement polyvalente, une multiplicité de sens qui ne se réduisent pas à une seule signification ni à quelques-unes seulement. Une note de musique n’a pas non plus de sens déterminé une fois pour toutes, bien qu’elle ne soit pas quelconque. Elle dépend aussi étroitement de son contexte rythmique et sonore que le symbole du contexte mythique et rituel qui lui est associé.
Pénétrer dans le monde des symboles, c’est essayer de percevoir des vibrations harmoniques et, en quelque sorte, de deviner une musique de l’univers. Il n’y faut pas seulement de l’intuition mais aussi un sens inné de l’analogie, un don qu’on peut développer par l’exercice mais qui ne s’acquiert pas. Il y a une oreille symbolique comme il y a une oreille musicale et qui est particulièrement indépendante du degré d’évolution culturelle des individus... ».

Le terme symbole a bien là tout son sens, car symbole étymologiquement vient du grec SUMBOLON signe et le verbe SUMBALLEIN jeter ensemble réunir.
Le premier sens grec est topologique, c’est celui de symbole. Il désigne proprement l’assemblée des eaux, le lieu où elles se réunissent, où elles se jettent ensemble et coulent ensemble. Ce sens verbal de SUMBALLEIN essentiellement dynamique est utilisé avec la même signification depuis Homère.

Pour C. G Jung, il existe des symboles dont la signification est à peu près fixe, mais qu’il faut se garder avec intransigeance au cours de l’interprétation de mettre en rapport avec des choses connues et des concepts forgés à l’avance. Toutefois, poursuit-il s’il n’existait pas de tels symboles à signification fixe en principe, nous serions dans l’impossibilité de préciser quoique ce soit de la structure de l’inconscient, nos efforts de discrimination ne pourraient s’accrocher à rien de stable. Il relève cette apparente contradiction en attribuant aux symboles relativement fixes des contenus de caractère indéterminé.

Mais il ajoute

« ... Sans cette indétermination, ces symboles ne seraient pas des symboles mais des signes ou des symptômes. Il retient le symbole comme une entité inconnue, difficile à saisir, et en dernière analyse, jamais entièrement définissable, plutôt que s’appuyer sur une conviction dogmatique, édifiée sur l’illusion qu’un terme familier à l’oreille indique forcément une chose connue.

Dans sa pratique Jung utilisait les symboles en rapport avec la situation consciente, c’est-à-dire en renonçant à tout savoir préalable et de se garder de toute suffisance infaillible et de rechercher ce que les choses signifiaient pour la personne.

Le processus de symbolisation

Affronter des mutations sur le plan des symboles, c'est en fait se relier à une réalité changeante interne, connaître ou reconnaître des éléments de sa propre nature qui pouvaient être partiellement ou totalement inconscients. Un symbole évocateur est un symbole riche, vivant et varié qui ne peut être limité à une évocation limitative ne permettant pas une reconnaissance subtile et sensible.

Lorsque l’astrologue évoque Jupiter, Saturne et les autres dieux ou déesses de l’Olympe ou de l’Hadès, il ne doit jamais oublier que le thème n’est qu’un support à l’entretien et qu’en face de lui se tient une personne. L’histoire de cet être sera plus importante que le thème servant de support à la relation qui s’établit au cours de l’entretien.

Stephen Arroyo le formule ainsi dans la pratique de l’astrologie :

« ...La principale valeur de l’astrologie tient dans sa capacité à révéler un ordre supérieur dans le chaos apparent de la vie quotidienne. Elle peut révéler, mais ne peut forcer une révélation à se faire. Souvent, l’ordre cosmique se révèlera après une discussion foncièrement honnête avec un client, après avoir écouté la personne, après avoir évoqué ses pensées et sentiments profonds. Ce n’est qu’après que l’ordre cosmique peut commencer à faire surface et se révéler... »

Cet ordre cosmique reflète à mon sens un archétype central présent à l’état latent en chacun de nous et que C.G. Jung a appelé le Soi, centre organisateur qui permet la dialectique entre le conscient et l'inconscient, le moi et le non moi. Le Soi et l'inconscient existent au préalable, le moi et le conscient ne se constituent que petit à petit et restent donc subordonnés en quelque sorte au Soi.

Le Soi est un symbole de totalité et représente un principe organisateur, une dimension vers laquelle nous sommes attirés en tant qu'êtres humains.

Mettre de l’ordre cosmique à l’intérieur de sa psyché est une véritable démarche thérapeutique et le pouvoir d’évocation des dieux et déesses présents en chacun de nous aide à la représentation. Ainsi des personnages intérieurs sont éclairés tour à tour par les transits et progressions et, nommés à ces moments opportuns (le Kairos pour les Grecs) par l’astrologue évocateur et accompagnateur.

L’évocation des dieux dans la démarche astrologique représente une ouverture à l’univers souvent inexploré en chacun de nous. L’accès à cet univers se déroule autour d’un cercle, d’un mandala qu’est le thème astral. Que nous le voulions ou non, que nous en soyons conscients ou non, le fait de se réunir autour d’un cercle crée une forme de rituel.

Vocatus at que non vocatus deus aderit.

La place que chacun occupe dans cette rencontre est symboliquement importante. L’astrologue sera toujours au nord de la carte c’est-à- dire du côté du Fond du Ciel, le consultant est assis au sud de la même carte, le Milieu du Ciel en face à face avec l’astrologue.

Dans ma pratique de la consultation, je me suis aperçu que spontanément, je montrais le thème à mon consultant, en le retournant pour lui montrer le dessin de son thème au début de l’entretien. Montrer cette représentation est une façon de susciter son propre pouvoir d évocation et, depuis que je me suis aperçu de ce geste, c’est devenu un rituel. Cette démarche m’a fait penser aux rites chamaniques des Indiens Hopis lorsqu’ils utilisent leur système des roues médecines.

Cette approche crée un espace sacré, un temenos, c’est-à-dire un morceau de terrain mis à part et dédié à un dieu où un rituel de guérison peut se dérouler. En repérant ainsi les points cardinaux comme le font les Hopis, un centrage psychique peut s’opérer même si le client reste tout au long de l’entretien à la position Sud, c’est-à- dire du côté de la culmination du soleil et de la possibilité associée de conscientisation. Qu’il se soit positionné au Nord de son thème au début de l’entretien, c’est l’inciter déjà à trouver ou retrouver le Nord qu’il pensait avoir perdu avant le rendez-vous.

La symbolique du cercle a également son importance car selon C. G. Jung dessiner un cercle protecteur est « un moyen magique vieux comme le monde utilisé par tous ceux qui ont un projet particulier et secret. Ils se protègent ainsi des dangers de l’âme... Ce cercle tabou devient un temenos dans lequel ou à partir duquel il est possible d’affronter l’inconscient. »

Par ce rituel de symbolisation, nous accédons à un autre sens du symbole que donne René Alleau :

«Le symbole n’appartient pas entièrement aux signes de l’univers humain du discours, ni aux seules catégories des concepts ou de l’imaginaire. La fonction symbolique est inséparable de son orientation sacrale ou de sa visée hiérophanique des puissances numineuses ou non humaines auxquelles les mythes et les rites relient l’être humain en réunifiant l’anthropos et le cosmos par la puissance du logos qui n’est pas ici langage mais verbe et parole ressuscitée recréée au-delà du sens culturel et social des mots de la tribu.»

L’astrologie contient une dimension chamanique, que nous-mêmes astrologues refusons souvent d’envisager car dans le désir de socialisation ou de reconnaissance de la part des scientifiques, cela est très régressif de se situer sur ce plan-là. Pourtant de nombreux sociologues et psychosociologues vont étudier les rites chamaniques d’autres cultures avec le plus grand sérieux et reconnaissent leurs vertus thérapeutiques alors qu’ils dénoncent par ailleurs la démarche astrologique. Il serait intéressant de connaître le point de vue de François Roustang ancien jésuite, psychanalyste et thérapeute sur notre pratique car il dénonce dans ses ouvrages la façon dont la psychanalyse s’est développée en France.

Dans une démarche où la dimension symbolique est privilégiée, l’interprétation devient superflue dans certains cas et c’est ce qu’écrit Stephen Arroyo dans un petit ouvrage que je vous recommande de lire qui s’intitule la pratique de l’astrologie.

« ...Trop d’interprétation dans un moment difficile pour une personne ne fera que l’enfoncer plus profondément dans un trou intellectuel, un trou terriblement profond sans doute causé par un excès d’analyse. Nous n’allons pas au bout de notre potentiel dans cette profession d’aide si nous nous contentons avec nos clients d’analyser et d’interpréter une multitude de détails.

En insistant sur la compréhension plutôt que l’interprétation, je veux dire qu’il est du devoir de l’astrologue d’encourager le client à se faire face plutôt qu’à se fuir... Une simple interprétation pousse souvent le client à s’échapper de sa situation et de ses sentiments réels. En d’autres termes, il semble souvent qu’un astrologue trop analytique essaie de supprimer une légère souffrance en la niant ou la rejetant pour la remplacer par du verbiage. Ce n’est pas vraiment curatif même si cela procure au client un soulagement éphémère... »

Signaliser et symboliser

C’est en quelque sorte relier le ciel et la terre.
Tout l'art de l'astrologie consiste à pouvoir associer une démarche où l'interprétation puisse tour à tour allier une approche où la réalité extérieure et la confrontation à cette réalité puissent servir l'être humain.
L'évocation d'une réalité interne et la confrontation à cette réalité sont liées à une démarche qui se veut psychologique où pour comprendre ce qui se passe au-dehors, il est d'abord indiqué d'aller voir ce qui est au-dedans ; d'aller rechercher ce qui a motivé consciemment ou plus souvent inconsciemment la mise en acte. Cette démarche aborde les données astrologiques comme un ensemble de symboles évocateurs qu'il est bon de connaître ou reconnaître.

Ces données astrologiques tant qu'elles ne sont pas connues ou reconnues se manifestent au-dehors sous forme de signes et alimentent ce que l'on nomme en psychologie la projection. Ce mot fourre-tout est employé, souvent à tort et à travers, pour désigner en réalité une intériorité, un film qui, sous l’effet d'une lampe, une énergie de vie se projette sur un écran, un autre, une situation qui fait que cet autre, cette situation n'existe pas en tant qu'autre, mais n'est que le support d'une image interne: le film.

Nos ancêtres lorsqu'ils ont regardé le ciel et commencé à observer ses mouvements cycliques ont vu des astres, des "estres", les ont organisés sous formes de constellations et ont projeté sur cet écran si lointain, si animé mais sans réponse, leurs peurs, leurs angoisses, leurs attentes sous formes d'animaux que nous nommons zodiaque.

Là était leur support de projections.

Des millénaires plus tard, nous utilisons toujours ce support qui a évolué sur lequel nous projetons toujours les mêmes peurs, angoisses ou attentes. Seulement depuis des millénaires, nous avons acquis des connaissances et que ce soit par les théories d'abord des gnostiques, néoplatoniciens, fondateurs des théories alchimiques ou plus récemment par la physique et la psychologie des profondeurs, nous avons appris que ce qui est en haut est comme ce qui est en bas. La façon dont nous voulons voir le dehors et appréhender les autres est en fait une projection de ce qui se déroule au plus profond de notre être. Pour illustrer ce que je viens d'évoquer, je reprendrai une citation de C. G. Jung à propos de l'astrologie et de Paracelse:

«...Le ciel étoilé est bien véritablement le livre ouvert de la projection cosmique, le reflet des mythologèmes, des archétypes. Dans cette vision des choses, l'astrologie et l'alchimie, les deux antiques représentantes de la psychologie de l'inconscient collectif se tendent mutuellement la main.»

Les Racines de la Conscience p 514 - 515.

Cependant, n'avoir des données astrologiques qu'une lecture psychologique n'aide pas forcément plus qu'une stricte lecture informative et, ce pour principalement deux raisons.

  1. L'astrologue devient psychologue, ce qui nécessite qu'il se soit lui-même confronté à sa propre réalité interne par le biais d'une confrontation accompagnée à son propre inconscient. Ce n'est malheureusement pas toujours le cas dans la pratique de ceux qui veulent s'engager dans cette voie périlleuse, d'où le risque de projection de leur propre problématique sur les données astrologiques qui leur sont présentées.
  2. L'astrologue se réfugie dans une lecture psychologique du thème et ne permet pas forcément au consultant de trouver des pistes pour répondre aux défis qui se présentent dans sa réalité de vie. Il ne faut pas oublier que lorsque l'on va consulter un astrologue c'est que quelque chose ne va pas ou ne va plus dans sa propre vie et cela est une réalité. Il y a des faits qui indiquent cela, ils peuvent être reliés à des transits et à des progressions.

Donner des pistes, aider le consultant à trouver des solutions, ce n'est pas faire les choix à sa place, ce n'est pas lui prédire ce qui va lui arriver, lecture liée à une vision évènementielle. La solution n'est pas à l'extérieur de la personne mais liée à la mise en acte de choix internes.

Le psychologue ou psychanalyste ne se positionne jamais de cette façon-là, car selon certaines écoles, ce genre de conseil est souvent appréhendé comme un passage à l'acte. Il n'agit pas pour l'autre, il conseille, il s'implique avec sa personnalité.
Par contre l'astrologue, par le pouvoir évocateur que lui permet le symbolisme astrologique, peut envisager un faisceau de propositions, de manifestations du symbole qui peuvent permettre à la personne, de faire des choix, de se positionner dans la problématique qui est la sienne à ce moment-là. Ce pouvoir évocateur est en réalité une dynamique polaire entre intériorisation et extériorisation du symbolisme astrologique, c'est le fil du rasoir sur lequel doit se tenir l'astrologue, un jeu perpétuel entre dehors et dedans qui ramène sans cesse le consultant à l'acceptation de sa filiation commune à toutes les créatures et à reconnaître l'unité de l'univers. Reconnaître ce qui est dehors, comme ce qui est dedans et poursuivre ainsi son cheminement ou son voyage et se relier au monde en étant plus en accord avec sa véritable nature.

Rappelons-nous les premiers vers du poème de René Char :

Tout ce qui se dérobe sous la main est ce soir, essentiel. L’inaccompli bourdonne d’essentiel.

Dans ma pratique, j’utilise de façon différenciée les transits et les progressions secondaires avec lesquels, j'essaye d'alimenter l'évocation, va-et-vient entre le monde intérieur et la réalité extérieure.
Quel écho, quelle résonance cela a-t-il en moi ? et comment me relier au monde de façon plus juste et plus sensible ?

Les progressions secondaires sont liées à la rotation de la terre sur elle-même puisque selon cette technique, ce qui se passe en vingt-quatre heures équivaut à ce qui se passe en une année, c’est-à-dire une révolution orbitale de la terre. Une giration sur elle-même est à mettre en relation avec sa rotation autour du Soleil. Il y a par cette technique et principalement l'étude de la lunaison progressée, la possibilité d'intérioriser ce qui se déroule dans la relation à l'extérieur.

Les transits sont liés au mouvement permanent du ciel au-dessus de nos têtes, donc ces signes ou symboles visibles ou invisibles au-dessus de nos têtes peuvent être évocateurs de la manière dont nous pouvons répondre à ces défis qui se présentent et dont nous allons agir, extérioriser ce qui a d'abord été ressenti au-dedans.

Associer l'utilisation des progressions secondaires et des transits dans une lecture dynamique des données astrologiques revient à essayer de créer une dynamique évolutive, afin de pouvoir acquérir une plus grande liberté intérieure et extérieure.

Selon Stephen Arroyo,

«...nous touchons à quelque chose de sacré écrit-il lorsque nous conseillons une autre personne sur ses propres besoins, ses sentiments et ses aspirations les plus profondes. Elle n’est pas un objet qui sert à mettre en valeur notre propre ego, ni quelque chose que nous pouvons traiter comme de l’argile et manipuler. Il s’agit d’une interaction complètement sacrée. Et il faut être à son niveau de conscience le plus élevé pour interpréter le cosmos et donc la vie de cette personne...Si nous la laissons être elle-même et que rien ne se passe, nous nous retrouverons tous les deux silencieux et maladroits ».

Mais si les deux sont réunis dans une même démarche : le besoin d’amener à la conscience, ce qui est inconscient ou compulsif, le problème du soin et de la guérison est clairement posé, et en ce sens, l’évocation des dieux aura des vertus thérapeutiques.

L’astrologie reste toujours selon Arroyo « l’un des outils très rares qui peuvent aider la conscience à s’élever pour mieux percevoir ces forces qui nous motivent inconsciemment mais puissamment, et qui contrecarrent souvent notre propre intégration et nous empêchent ainsi de guérir. C’est en ce sens que conseil astrologique et guérison sont directement liés. Mais c’est là que commence l’art du conseil ; comment susciter et écouter les choses. »

Gardons à notre discipline le statut particulier dans lequel elle se trouve, chercher un cautionnement psychologique ou scientifique, par un pseudo statut de psychologue ou psychanalyste astrologue, c'est également faire perdre à l'astrologie sa spécificité de contre-culture. Il ne s'agit pas de normaliser, mais d'aider l'autre à aller vers une rencontre plus profonde, plus authentique avec lui-même et, en ce sens l’évocation des dieux aura des vertus thérapeutiques.

Je vous remercie.

Bibliographie

La science des symboles - René Alleau - édition Payot
Pratique de l’astrologie - Stephen Arroyo - éditions du Rocher L’homme à la découverte de son âme - C.G. Jung - édition Payot Les Racines de la Conscience – C.G. Jung - édition Buchet - Chastel Clefs pour l’astrologie - Jacques Halbronn - édition Seghers
La pratique de l’astrologie - Dane Rudhyar - Librairie de Médicis